Zainab Soyfoo enseignante et slameuse : “Nos racines nous aident à toucher le ciel”

août 13, 2025

Vous avez participé à “Enn zour dan enn pei”. Qu’est-ce qui vous a marqué dans cette expérience ?

Pour moi, c’était tout simplement extraordinaire : un immense moment d’apprentissage et de partage. J’ai animé une masterclass avec des jeunes, mais aussi des lectures contées pour les plus petits. Le fait que ce soit une initiative portée conjointement par plusieurs organisations et qu’elle implique directement le ministère de l’Éducation est rare et, pour moi, en tant que professeure, c’est une chance inouïe d’ouvrir cette porte aux élèves… et même aux enseignants.

 

Comment avez-vous conçu et animé votre masterclass ?

Avec ma collègue Christabelle Duhamel, nous avons conçu une journée entière pour des jeunes de 13 à 16 ans. On a commencé par discuter de ce qu’est un conte et des histoires qu’ils connaissaient déjà. Puis, je leur ai donné le début d’un récit et chacun devait inventer sa propre suite. J’ai été bluffée : neuf participants ont produit neuf versions totalement différentes ! Chez eux, aucune hésitation : ils se lâchent, disent ce qu’ils pensent, utilisent plusieurs langues… Cette fois, ils ont surtout choisi le français et le créole mauricien.

 

Qu’avez-vous, vous-même, retiré de cet atelier ?

Ça m’a rappelé que, moi aussi, j’ai encore beaucoup à apprendre. Leur spontanéité m’a impressionnée ! Nous, adultes, avons souvent des complexes : nous nous comparons, nous doutons… Eux foncent. Leur créativité jaillit comme une rivière.

 

C’était une première pour vous dans ce format ?

Oui. Ce n’était pas du slam, mais du conte, avec des exercices pour développer l’imagination : créer collectivement une histoire phrase par phrase, démontrer qu’un récit se construit à plusieurs voix. Les possibilités sont infinies ! Certaines histoires produites dans le cadre du projet seront publiées dans le foundation programme du secondaire.

 

Et comment se sont passées les lectures contées ?

Elles ont eu lieu un samedi matin, avec des enfants de quatre à cinq ans. C’est une magnifique initiative : elle reconnecte les jeunes avec l’oralité, cette tradition que l’on perd. Les histoires sont nos racines. Et ce sont ces racines qui nous aident à toucher le ciel.

 

Vous êtes d’abord connue comme slameuse. Comment cette aventure artistique a-t-elle commencé ?

Le slam est né pour moi dans la douleur, sous forme de poèmes écrits pendant le confinement. Un jour, dans mon jardin, j’ai écrit en créole : “Mo enn zenfan lanatir…” À partir de là, tout est venu. Je raconte souvent des histoires en slam et la transition vers le storytelling a été naturelle. Comme un papillon qui prend son envol.
En 2023, j’ai participé à la Ligue slam. C’était intense : deux textes par mois. J’ai voulu abandonner, mais j’ai tenu bon. En 2024, à La Réunion, j’ai reçu la distinction “Coup de cœur” lors de l’événement “Koktèl Fonnkèr”. Mais je préfère le partage à la compétition : je veux dire ce qui vient du cœur.

 

Votre métier d’enseignante influence-t-il votre démarche artistique ?

J’enseigne de la Grade 7 à la Grade 13. J’intègre parfois le storytelling en classe et j’encourage mes élèves à participer à des concours, pas pour gagner, mais pour vivre l’expérience. Le slam et le conte ne sont pas réservés à une élite : il faut exposer les enfants à ces univers. Même si un seul élève sort d’un atelier en se disant : “Je veux en savoir plus”, j’ai accompli mon rôle.

Quels sont vos projets artistiques pour les prochains mois ?

Récemment, j’ai joué dans “Kuchu Kuchu derrière la porte”, mêlant danse Bharatanatyam, danse contemporaine, narration et ravanne. On espère rejouer la pièce en novembre. Pour l’instant, ce sont plutôt des petites scènes que des masterclass, mais les portes restent ouvertes.

 

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui hésite à se lancer dans le slam ou le storytelling ?

Osez. Essayez. La musique, l’art, un métier… peu importe. Ne restez pas enfermés dans des cases. Les opportunités sont partout, mais il faut les saisir pour découvrir son chemin. Et je profite de l’occasion pour remercier toute l’équipe d’ "Enn zour dan enn pei" et sa présidente Véronique Nankoo, pour leur engagement exceptionnel.