MARIE-JOSÉE MONGELARD : LE GOÛT EN HÉRITAGE

MICHEL ALPHONSE mars 08, 2021

« Dans toute chose, prenez comme allié, le temps. Ça vous rend heureux, selon Marie-Josée. Pourquoi aller vite comme ça, je ne sais pas ? » Préparer (et apprécier !) de bons petits plats, ça prend du temps : « Quand on cuisine à la va-vite, évidemment cela ne peut pas avoir le même goût. On n’a même plus le temps de manger. » Ce temps qui nous manque modifie immanquablement notre façon de manger et altère notre sens du goût.

Dans la maison de Rose-Hill, où elle et ses 6 frères et soeurs ont grandi, il y avait toujours de bonnes choses à manger. Marie-Josée, elle, cuisine à l’odeur. C’est ce qui lui permet de connaître le niveau de la cuisson : « On ne peut pas avoir quelque chose de bon et de savoureux si on ne cuisine pas à petit feu, qu’on ne donne pas le temps aux aliments de mijoter. »

 

Les yeux pétillants, elle se souvient des patates et du manioc accompagnés de chatinis qu’elle dégustait au goûter. « On mangeait beaucoup d’oeufs quand j’étais jeune, en rougail ou en cari. On allait aussi pêcher à Pointe aux Sables ou à Baie du Tombeau. À l’époque, c’était les deux bords de mer les plus accessibles car il n’y avait pas de chemin pour aller à Grand-Baie ou ailleurs », précise-t-elle.

 

Elle décrit le bouillon de poisson, le chatini coco, les achards et la béchamel aux graines de capucines comme un grand chef énoncerait un menu gastronomique.

« Et quand on versait le riz, on récupérait l’eau pour faire un bouillon de brèdes. Je ne vous parle pas du goût… Un délice ! »

Si les repas en semaine étaient simples, les dimanches étaient festifs ! « La volaille était vraiment un menu spécial. C’était le poulet de la basse-cour, nourri aux grains et aux brèdes. Succulent ! Le salmi de canard aussi avait quelque chose d’exceptionnel. On en a oublié les saveurs. Et je dois dire qu’un poulet nourrissait une famille de 10 personnes. On mangeait peu mais on mangeait bien. » À l’époque nous précise-t-elle, chaque famille grillait ses épices, allait chercher ses feuilles de caripoulé, pour préparer le masala. Chacun sa recette, chacun son parfum particulier...

 

C’est de sa mère qu’elle a hérité de cette passion pour la cuisine. Depuis toute petite, elle la voyait aux fourneaux, et en tant qu’aînée, elle a commencé à cuisiner tôt, pour aider. La débrouillardise en cuisine était le propre de cette époque. Pour faire gratiner un gratin de chouchou ou de macaroni, par exemple, on mettait une plaque ou un couvercle au-dessus du plat et on y plaçait de la braise.

 

Et comme il n’y avait pas de réfrigérateur, la viande, le lard et le poisson étaient salés et préservés dans un garde-manger en étamine dont les pieds étaient placés dans des pots en fer blanc remplis de pétrole pour tenir éloignés fourmis et autres insectes. Un temps où avec 25 sous, on avait pomme d’amour, chou, chevrette et de quoi prendre quelques goyaves de Chine sur la route du retour…

 

À 72 ans, Marie-Josée continue à partager sa passion avec sa famille. Elle prépare toujours de bons petits plats à L’Escale Créole, en compagnie de sa fille, Marie-Christine. Une transmission du savoir-faire de mère en fille.