Quand les couleurs de Chazal rencontrent les saveurs de Maurice

Au croisement de la poésie picturale et du feu des fourneaux, une rencontre inattendue se tient du 7 mai au 7 juin 2025 au Labourdonnais Waterfront Hotel. Ce festival culinaire, intitulé Dialogue entre l’Art et le Goût - la cuisine créole en poésie, rend hommage à la cuisine mauricienne en s’inspirant de l’univers flamboyant de Malcolm de Chazal, peintre et poète, dont les œuvres sont exposées au Blue Penny Museum jusqu’au 7 juin.
Derrière ce menu vibrant : le Chef Nizam Peeroo,un homme de passion, enraciné dans la terre mauricienne. « J’ai voulu travailler un peu tous ces produits qui se perdent. Où sont nos brèdes malbar, nos pois carrés ? » confie-t-il. Son cri du cœur devient acte culinaire. Il cuisine pour réveiller la mémoire des saveurs oubliées.
Dans l’assiette, c’est tout un récit qui se déploie. La chiquetaille de poisson cordonnier, relevée d’un piment cari frit et d’une vinaigrette au tamarin, se mêle à des lentilles germées. « Une entrée froide, chose rare dans notre cuisine traditionnelle », souligne le chef qui n’hésite pas à créer de nouveaux codes tout en respectant la tradition.
Autre plat phare : le cœur de palmiste braisé. Un produit rare, long à cultiver, qui devient ici l’écrin d’une mousseline d’épices créoles – cotomili, gingembre, ail, thym, safran vert – et d’un coulis de camarons. Des chevrettes de rivière viennent y apporter une intensité subtile et émotive. « Ce sont des produits qui parlent. Il faut les écouter. »
Chaque plat évoque un pan du patrimoine culinaire mauricien, de l’achard de cabri aux samoussas à la papaye verte, en passant par le rasson de crabe carrelet. « Le rasson, c’est le plat du lendemain de fête, le plat qui guérit de la gueule de bois. Je l’ai enrichi avec du crabe, du tamarin, du fruit à pain », explique Nizam Peeroo avec un sourire. Une manière subtile de redonner à ces mets populaires leurs lettres de noblesse.
Le projet, né d’une collaboration entre le Labourdonnais Waterfront Hotel et l’initiative Kareron du groupe Eclosia, dépasse la simple expérience gastronomique. Il s’inscrit dans une démarche de transmission et de valorisation du patrimoine culinaire mauricien. Géraldine Darpoux, responsable du Pôle Entrepreneuriat Culturel, insiste : « Ce festival est un projet pilote. Dès juillet, nous lancerons des formations pour transmettre ce savoir aussi bien à des chefs qu’à des commis, du jardin à l’assiette. »
C’est aussi une histoire de résonance entre deux formes d’expression. Stéphanie Fischhoff, Marketing Director de Ninety-Six Hotel Collection, revient sur l’origine du concept : « Nous avions déjà fait dialoguer l’art et la cuisine lors de l’exposition Matisse en 2022. Cette fois, c’est Chazal qui nous a inspirés. Deux langages ancrés dans notre île, autour d’un même désir : raconter Maurice autrement. »
Et Maurice vibre. Les couleurs des toiles répondent aux couleurs des plats. Les textures dialoguent entre pinceau et fourchette. Une immersion totale, sensorielle, sincère. « Ce menu, ce n’est pas un simple catalogue de plats. C’est une trace, un hommage, presque un manifeste », affirme Stéphanie avec émotion.
Ce rendez-vous sensoriel ne se contente pas de nourrir. Il transmet, il questionne, il rassemble. Il évoque une île qui doute parfois de son identité culinaire, mais qui la porte, pourtant, dans chaque geste, chaque ingrédient, chaque souvenir. Dialogue entre l’Art et le Goût est une invitation à goûter Maurice. Autrement. Profondément.